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Полине Виардо - Письма (1850-1854) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич24, 26, 28 ноября (6, 8, 10 декабря) 1850. Москва Moscou. Vendredi 24 novembre/6 decembre 1850. Voici trois jours que je suis ici, chere et bonne Madame Viardot, et c'est a peine si j'ai le temps de prendre la plume pour vous tracer quelques mots a la hate. Ce n'est pas que nous ayons, mon frere et moi, beaucoup de choses a faire - les scelles ne seront leves que dans une semaine1 - mais nous avons tant de choses a debattre, a preparer. C'est une terrible responsabilite qui vient de nous tomber sur les epaules. Ma mere est morte sans avoir pourvu a quoi que ce fut; elle a laisse toute cette foule d'existences qui dependaient d'elle - on peut le dire - sur le pave; il faut que nous fassions ce qu'elle aurait du faire. Ses derniers jours ont ete bien tristes.-- Dieu nous garde tous d'une pareille mort. Elle ne cherchait qu'a s'etourdir - la veille de sa mort et tandis que le rale de l'agonie commencait deja - un orchestre jouait des polkas dans la chambre voisine - d'apres son ordre. On ne doit aux morts que respect et pitie - aussi ne vous dirai-je rien de plus. Cependant - comme il m'est impossible de ne pas vous confier tout ce que je sens et ce que je sais - je n'ajouterai qu'un mot - c'est que ma mere ne pensait dans ses derniers instants qu'a - j'ai honte de le dire - qu'a nous ruiner - mon frere et moi, et que la derniere lettre qu'elle ait ecrite a son intendant, contenait un ordre precis et formel de tout vendre a vil prix, de mettre le feu partout s'il le fallait pour que rien ne - -- Enfin - il faut oublier - et je le ferai de grand coeur, maintenant que vous le savez, vous, qui etes mon confesseur.-- Et cependant - je le sens - il lui aurait ete si facile de se faire aimer et regretter de nous! - Ah oui - que Dieu nous garde d'une pareille mort! Je vous epargne une foule d'autres details - a quoi bon? Que Dieu lui fasse paix2. Mon frere, sa femme et moi nous restons ici jusqu'au nouvel an pour tacher d'arranger nos affaires le mieux possible. Les biens que ma mere a laisses sont dans un etat fort peu prospere - et malheureusement la recolte a ete presque nulle cette annee-ci. Nous devons tacher de nous restreindre autant que cela sera faisable jusqu'au mois d'aout prochain. J'ai propose a mon frere de payer sur-le-champ toutes les dettes particulieres de ma mere (qui ne sont pas considerables), de recompenser tous les services - d'y employer tout l'argent disponible. Une fois ce poids ote de nos epaules, nous marcherons mieux et plus vite. Je compte retourner a Petersbourg dans six semaines, aller a la campagne des le mois d'avril et y rester jusqu'au mois de novembre. Apres - nous verrons3. Je suis, vous le savez, fort peu propre aux affaires; j'ai l'intention de confier le maniement de mes biens a mon bon et excellent ami Tutchef; mon frere est certainement un homme tout-a-fait honorable et je ne demanderais pas mieux que de le charger de tout cela; mais je crains des mesentendus - il est fort econome, presque avare - il voudra l'etre pour moi - jamais il ne consentirait a la vente d'un bien, si necessaire qu'elle put etre - je desire eviter tous ces tiraillements de famille. J'ai pris la resolution de partager nos biens, C'est a dire c'est lui qui fera le partage - et il le fera certainement mille fois mieux que moi. Je n'aurai jamais moins de 25 000 francs de rente; avec cela on est riche4. Je vous reparlerai encore de tout cela; mais dites-moi, votre mari et vous, ce que vous pensez de ma resolution. Chere et bonne amie, je pense bien souvent a vous! - Dimanche. Bonjour, chere et bonne amie, meine theuerste, liebste Freundinn. Le comptoir Iazykoff vient de m'envoyer votre bonne et charmante lettre - je me mets a deux genoux pour vous en remercier. La petite Pauline est arrivee,-- et elle vous a plu - et vous l'aimez deja! - Chere, chere amie, vous etes un ange. Il n'y a pas un mot dans votre lettre qui ne respire une bonte, une douceur, une tendresse inexprimables. Comment voulez-vous que je ne finisse pas par aimer cette petite a la folie? Vous avez une facon gaie et sereine de faire le bien, qui fait qu'on est heureux comme un enfant de vous en etre reconnaissant. On a l'air de vous rendre un grand service quand on vous donne l'occasion d'obliger quelqu'un. Je ne sais vraiment que dire pour vous faire sentir, combien votre chere lettre m'a emu et touche... Je cherche des mots - je devrais tout bonnement vous repeter que c'est avec adoration que je me prosterne devant vous. Soyez mille fois benie! - Dieux - est-elle heureuse - cette petite! C'est pour le coup qu'elle se trouve dans la poche de cote de Jesus - comme dit un proverbe russe en parlant des gens bien fortunes.-- Tant mieux si elle n'a pas seulement de l'intelligence - il faudrait que sa nature fut bien mauvaise pour ne pas attraper un peu de bonte a vos cotes. J'espere encore que tout ce grand changement la sauvera. Embrassez-la de ma part, je vous en prie. Maintenant que je suis devenu plus riche, je ne crains pas d'aller jusqu'a mille francs par an; faites-lui apprendre le piano. Je vous enverrai de l'argent dans une dizaine de jours. Je suis bien heureux de penser que vous lui ayez trouve de la ressemblance avec moi et que cette ressemblance vous ait fait plaisir. Envoyez-moi un petit portrait au crayon d'elle, fait par vous. Je vous repete que je finirai par m'at tacher completement a elle, du moment ou je saurai que vous l'aimez... Votre succes dans "Les Huguenots" m'a fait un plaisir infini - j'attends avec impatience les details... 5 Mardi. Guten Morgen, theuerste, liebste, beste Freundinn. Ich kusse mit Anbetung Ihre schonen Hande. Bonjour, chere Madame Viardot. Nous commencons a voir un peu clair dans nos affaires. Ma mere a donne 50 000 roubles a la jeune personne qu'elle avait adoptee 8. Nous nous sommes empresses de reconnaitre cette dette - jusqu'a son mariage elle restera chez ma belle-soeur - et nous lui payons, outre son entretien - 8 p <our> cent par an. Au moment de se marier elle recevra les 50 m. francs. Ma mere n'a pas fait d'autre legs - nous y avons pourvu - et je crois qu'on sera content de nous. Chere amie, je n'ai cesse de penser a vous tout ce temps-ci - et a la petite Pauline. Je sens qu'elle me devient chere, puisqu'elle est dans vos mains. Je ne sais combien de fois j'ai relu votre lettre. Il m'est impossible de vous exprimer tout ce que je ressens quand votre chere image qui ne me quitte jamais, se represente plus vivement a ma memoire. Soyez mille fois benie! Donnez-moi des details sur la petite. Continuez-vous a en etre contente - et que dit Mme Renard? Il y a bientot quatre semaines qu'elle est a Paris. Quel nom de famille lui avez-vous donne?7 Je remercie de tout mon coeur la bonne Mme Garcia et mi querida Mme Sitches de leur bienveillance envers elle. Il n'y a pas a dire - vous etes tous des anges - et je vous aime tous a la folie. Ici tout le monde me recoit a bras ouverts, le bon et excellent papa Stchepkin tout le premier. Je ne puis pas faire de nombreuses visites - cependant - depuis une semaine que je suis ici j'ai ete deux ou trois fois chez lui - et chez une Comtesse Salias, charmante femme qui a beaucoup d'esprit - du talent - et qui, malgre qu'elle ecrive, n'est pas un bas-bleu. Malheureusement elle est bien souffrante.-- La derniere chose que j'ai faite - "Les Chanteurs au Cabaret"8 - ont ici un grand succes.-- Je termine ma lettre pour pouvoir vous l'envoyer aujourd'hui. J'en commencerai une autre demain.-- Dites a Viardot, que j'embrasse de tout mon coeur, que depuis quelques jours je ne fais que relire Montaigne dans le volume dont il m'a fait cadeau a Petersbourg9. Embrassez Gounod de ma part - et n'oubliez pas de me parler de "Sapho". Mille bonnes choses a tout le monde - pour vous - je me mets a vos pieds. Bei Ihren ]ieben Fiissen will ich leben und sterben. Ich kusse sie stun-denlang und bleibe auf ewig ihr Freund J. Tourgueneff. |
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