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Полине Виардо - Письма (1850-1854) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич24 апреля (6 мая) 1852. Петербург St. Petersbourg, се 24 avril/6 mai 1852. Chere el, bonne Madame Viardot, tout ce que je pourrais vous dire ne saurait vous rendre jusqu'a quel point je pense constamment a vous depuis quelque temps. C'est comme un redoublement d'affection, de sollicitude qui va jusqu'a l'angoisse. J'ai la ferme persuasion en mome temps que tout ira bien et que vous franchirez lestement et heureusement ce pas difficile, qui vous attend, qui vous attendra encore au moment ou vous recevrez cette lettre, s'il faut en croire ce que vous me dites dans la votre sur l'epoque probable de l'evenement. Je supplie Viardot de m'ecrire le lendemain meme le resultat1. J'ai recu votre n®32 adresse au comptoir lazykoff. Differentes affaires imprevues m'ont retenu ici et me retiendront encore plus longtemps que je ne l'avais cru, jusqu'au 15 mai v. st.3 Continuez a m'ecrire par le comptoir Iazykoff. Nous nous sommes arranges maintenant de facon a ce qu'il n'y ait plus de mesentendu possible. La nouvelle du mariage de Gounod m'a cause une surprise assez penible. Pourvu que mes "misgivings" ne se realisent pas! Je crois que s'il n'avait pas ete pretre, il ne se serait pas marie aussi bizarrement4. il m'ecrit une lettre assez genee la-dessus, je lui repondrai le plus simplement que je pourrai. Il y a en lui quelque chose qu'il serait difficile de definir, mais que j'aurais voulu ne pas y voir. Du reste, ce quelque chose est probablement inherent a sa nature qui, a fout prendre, est belle et noble et richement douee - und man bleibt am Ende was man ist5, dit Gothe. Ses adorables melodies (surtout son "Automne"6) ont reveille en moi une foule de souvenirs - Nachklange einer Zeitund einer Welt, die fiir mich auf ewig verschwinden sind7 - remerciez-le bien de nia part. Vous avez bien raison de supposer que mon refus d'aller, vous voir a Paris ne depend pas de ma volonte, ie le repete, chere et bonne amie, il ne faut plus seulement penser a nous revoir bientot. J'ai mes raisons pour vous le dire. Vous comprenez facilement que c'est si triste qu'il faut que je parle d'autre chose. Iazykoff doit m'apporter aujourd'hui une lettre de change de Stieglitz de 1 200 francs que j'expedierai apres-demain au nom de Viardot avec une lettre en reponse a celle qu'il m'a ecrite. Vous gronderez Pauline de ma part pour son nouveau defaut. Et cependant, vous le dirai-je? Cette bouderie, ainsi que son appetit de Gargantua8 m'est encore une preuve qu'elle est bien ma fille. J'etais ainsi dans mon enfance, boudant pour un rien et devorant tout. Vous ne sauriez croire combien son visage ressemble au mien a son age. Il y a un portrait de moi a 10 ans, c'est frappant! Cependant, vous la gronderez. A propos, Pauline demande si c'est 11 ou 12 ans qu'elle aura au mois de mai: ni 11 ni 12, mais 10, elle est nee en 1842. Vous me demandiez dans une de vos precedentes lettres9 pourquoi je ne vous parlais jamais de mes travaux litteraires. C'est qu'en effet j'ai fait peu de choses depuis mon retour en Russie. J'ai maintenant un grand ouvrage sur le tapis. Je ne sais si je le menerai a bien - c'est un roman dont j'ai ecrit deja plusieurs chapitres. Je vous en parlerai quand ce sera plus avance. Il faut que je fasse quelques etudes sur les lieux - c'est une des raisons qui m'engagent a visiter la petite Russie. Ce n'est pas cependant un roman historique10. Votre petit chien sur le pont est charmant - il y a une certaine verite d'impressions et d'expressions dans la nature animale qui fait qu'on a toujours plaisir a l'etudier. L'homme est factice et complique, c'est plus amusant, mais on finit par connaitre les ficelles et puis nous sommes tous derriere les coulisses. La nature a les memes tons, mais elle les a tous dissemines sur sa vaste largeur, ils sont plus isoles et plus vrais. Je ne sais si je me fais comprendre. Il n'y a rien de commun entre le museau naif de la vache et le masque cruel du tigre. La physionomie humaine peut rendre les deux expressions, mais elles sont plus vraies et plus penetrantes dans l'immobilite de la nature. Ce qui fait que j'aime beaucoup votre chien. Il devait etre noir et avoir la queue pendante, vous ne me l'ecrivez pas, mais je me l'imagine. Je vous ecrirai avant, une semaine, je vous en donne ma parole. V<iardot> recevra sa lettre et l'argent dans trois jours. Adieu, chere et bonne amie, portez-vous bien - c'est plus que jamais maintenant mon voeu le plus cher. Mille amities a tout le monde. J'embrasse vos cheres mains avec une affectueuse tendresse. Votre tout devoue J. Tourgueneff. |
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