Полине Виардо - Письма (1866-июнь 1867) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

28 февраля, 1 марта (12, 13 марта) 1867. Петербург

No 3

St-Pétersbourg,

Karavannaïa, 14.

Mardi, 28 fév/12 mars 1867.

Chère et bonne Madame V - le succès de la lecture n'a fait que grandir - j'ai terminé le tout hier à minuit, après une lecture qui a duré 7 heures à peu près - je me sentais complètement brisé de fatigue - mais l'impression que je voyais se produire me contenait1. Enfin, il paraît que c'est ce que j'ai fait de moins mauvais - et on me promet monts et merveilles. Tant mieux, tant mieux. Je suis surtout heureux de voir votre opinion - la seule décisive pour moi - se confirmer.

Quant à mon pied, il y a une très grande amélioration - je suis en état de marcher comme à Berlin. J'attends une lettre de Katkoff2 pour savoir au juste quand je dois partir.

J'ai vu mon nouvel intendant3 et j'ai eu une assez longue conversation avec lui. Il me plaît - c'est un homme d'une quarantaine d'années avec une figure énergique et loyale, qui vous regarde droit dans les yeux. Il m'a présenté un mémoire sur l'état de mon bien - et j'ai pu me convaincre qu'il était grand temps de mettre un peu d'ordre et de régularité dans ce chaos.-- Je crois que je vais commencer par aller à Spasskoïé pour en finir avec cet état de transition qui ne peut avoir que des suites nuisibles et qui est également pénible pour tout le monde. Mais vous imaginez-vous le froid qu'il fait ici? - Vingt-deux degrés à 8 heures du matin - 17 à midi - on frissonne involontairement à l'idée de se mettre en route par un temps pareil - quand on n'est pas un ours blanc. Mais le vin est tiré, etc.

Madame Abaza est venue me voir - je ne sors pas encore. Elle m'a questionné avec beaucoup d'intérêt sur vous, sur ce que vous faites, elle m'a donné des nouvelles de Rubinstein, qui, à ce qu'il paraît, quitte décidément Pétersbourg au printemps après les examens au Conservatoire4. Il paraît que Milutine tombe décidément en enfance: je tâcherai d'aller le voir demain - ce sera un triste spectacle: heureusement qu'il ne semble même plus sentir 1 amertume de sa situation5.

8 heures du soir.-- Voici votre télégramme qui m'arrive et qui m'apprend votre brusque départ pour Bade6... Ernesl serait-il arrivé7? Je n'ai pas besoin de vous dire combien je suis inquiet et toutes les idées qui me passe par la tête. Je vous supplie de ne pas me laisser sans nouvelles. Ecrivez-moi maintenant, s'il vous plaît, à Moscou, à la rédaction du "Messager russe"; il est très probable que je quitte Pétersbourg vendredi ou samedi au plus tard. Il y a des wagons chauffés sur le chemin de fer de Moscou.

Je suis bien tourmenté de ce départ et de ce qui a pu en être la cause. Voilà le voile sombre dont vous avez parlé...

Je vous envoie une petite traite sur Haldenwang8 en vous remerciant encore une fois de m'avoir prêté ces 10 fréd<érics> d'or9.

Mercredi matin.

J'envoie cette lettre pour qu'elle parte encore aujourd'hui. L'état de mon pied continue à s'améliorer.-- Mais j'ai bien d'autres martels eu tête - ou plutôt je n'en ai qu'un seul: vous, Viardot, tous les vôtres - et ce qui va vous attendre à Bade. Espérons encore que tout s'arrangera sans violence!

Je vous prie de dire mille choses de ma part à tout le monde, à commencer par Viardot, et je vous serre les deux mains bien cordialement et bien amicalement.

Der Ihrige

J. T.

Иван Тургенев.ру © 2009, Использование материалов возможно только с установкой ссылки на сайт