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Полине Виардо - Письма (Июнь 1867 - июнь 1868) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич14 (26) марта 1868. Париж No 3 Paris. Hôtel Byron, rue Laffitte. Mercredi, minuit. <67>. {Неверная дата в тексте проставлена рукой П. Виардо.} Chère Madame Viardot,si vous vous souvenez du feuilleton de P. de St.-Victor sur "Hamlet"1 - sachez que ce qu'il a dit est la vérité même. C'est le vide absolu que cette musique - c'est froid, impuissant, insipide, nul,-- sans couleur, sans vie - un zéro, quoi! Les deux seules jolies choses - sont des airs suédois. Je me hâte de dire que Nilsson est vraiment charmante2 - et qu'on ne peut rien voir de plus gracieux que sa grande scène au 4-me acte. Comme physique, comme manières - imaginez-vous Mlle Holmsen extrêmement idéalisée: elle a aussi ces petits mouvements brusques de la tête et des bras - cette sorte de raideur et de sac-ca-dé dans la prononciation; il paraît que c'est suédois - mais le tout est attrayant, pur et virginal - d'une virginité presque amère - herb - comme disent les Allemands. La voix est très jolie - mais je crains qu'elle ne puisse résister longtemps à "l'urlo francese"3? Faure est toujours "magistral", d'une tenue et d'une diction irréprochables - mais il vous ennuie à la longue: c'est un professeur qui chante - je dirais même qu'il y a du prud'homme, de l'élève de Brard et St. Omer - au fond de ce poétique et mélancolique baryton, de ce poseur perpétuellement noyé dans un nuage de vanité béate4. Le libretto est tout simplement absurde: au dernier acte, le spectre du papa apparaît au su et au vu de tout le monde, même du roi criminel et ordonne à Hamlet d'aller percer le flanc de ce tyran, ce que l'autre exécute à la satisfaction générale - et le tyran se fait tuer avec résignation - comme un lièvre dans une battue - le spectre étant le batteur et Hamlet le chasseur5. Les décors sont admirabilis-simes, les costumes aussi, la mise en scène splendide - jamais je n'ai rien vu de plus beau que la représentation de la pièce devant la cour au troisième acte. En résumé, et pour me servir de l'expression d'Aignan, ce malheureux Thomas voulant mettre du Shakespeare en musique, fait l'effet d'une puce s'efforèant de soulever un omnibus: c'est misérablement manqué, mais il faut voir Nilsson. La salle était pleine - et au premier rang - dans leur loge - L. L. M. M. l'Empereur et l'Impératrice - qui sent restés jusqu'à la fin! J'ai assidûment lorgné l'ami de Viardot6 - et je l'ai trouvé aussi laid que possible - j'ai pu en fin découvrir sa bouche sous ses moustaches - qui est lippue, de la même couleur que la peau du visage - repoussante; mais le sourire lentement goguenard, qui se promène de l'œil droit ou plutôt du coin de l'œil droit {Далее зачеркнуто: jusque; dans la; sur.} le long de la joue flasque et ridée - est le même - et que V le sache bien, ce que cet homme a eu d'intelligence, n'a pas bronché, j'en mettrais ma main au feu après l'avoir vu. C'est un être blasé, fatigué - mais pas du tout malade7. Il y a eu une dizaine de cris de V l'E à son entrée parmi les Romains - voilà tout. L'Impératrice a les joues bien pendantes et en général l'air d'une cocotte sur le retour. En voilà assez pour ce soir. Je vais me fourrer dans mon lit. Jeudi matin. 8 h. Il faut pourtant que je vous dise ce que j'ai fait hier dans la matinée: visites - chez Mme Marjolin - absente, les parents Bruère - absents; les Leonard - présents. Mme Sitchès très vieillie - les autres allant bien et l'air content; - Lanfrey; trouvé à la besogne8. Il a fort bonne mine - le crâne tout dénudé, ce qui lui fait un front immense.-- Je lui ai raconté notre vie à Bade - cela lui a fait venir l'eau à la bouche; - lui-même résigné - avec amertume - voyant pourtant un certain progrès en province.-- Aignan. - Causé Bade, chasse; puis nous sommes allés m'a-cheter chez Froidavaine un superbe tapis d'escalier avec un marchoir, qui doit être expédié aujourd'hui au nom de Viardot, que je prierai de payer pour le port et les frais de douane.-- Acheté les 5 exemplaires de "L'Apologie"9 - elle se vend assez bien.-- Dîné chez Brébant avec le gros Khanykoff - mangé des huîtres; le soir au théâtre. Rencontré Robert Thal.-- Pas trouvé Gérard; rendez-vous pour demain. Jeudi. 3 1/2 h. J'ai reèu ce matin les lettres que vous m'avez envoyées ainsi que les gentils billets de mes deux petites amies, auxquelles je répondrai ce soir même10.-- Il fait très froid ici, quoique sans neige.-- Carjat a fait ce matin mes photographies11 - j'ai déjeuné avec Hetzel - j'ai été voir Pomey - puis chez le costumier pour mon costume qui sera superbe.-- Je dîne chez Mr Tourguéneff avec une vingtaine de personnes, invitées pour moi; grand merci de votre lettre; j'y répondrai aussi ce soir. Envoyez-moi l'adresse de Manuel à Londres12. Je vais à Rougemont samedi13. Mille amitiés à tout le monde; ich küsse Ihre Hände. Der Ihrïge J. T. |
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